10/6/2024
« La Côte d’Ivoire, Espérante terre d’hospitalité reçoit l’Afrique ». Vous avez sûrement entendu ces paroles provenant de l’hymne de la CAN 2024, « Coup du Marteau » de Tam Sir. Cette série d’articles propose une analyse des enjeux que représentent l’organisation et la victoire lors de cette compétition d’ampleur pour une Côte d’Ivoire en plein boom économique.
En battant consécutivement l’Espagne et le Portugal, deux des plus grandes nations du football et en se hissant jusqu’aux demi-finales de la Coupe du monde de football 2022, le Maroc crée la sensation dans l’un des évènements sportifs les plus suivis au monde. Premier pays africain à atteindre le dernier carré d’une coupe du monde, la performance marocaine a mis la lumière sur le continent africain, trop souvent oublié sur la scène footballistique mondiale et a créé un engouement sans précédent pour la compétition continentale qu’il accueille, la Coupe d’Afrique des Nations. Sous ces auspices favorables, la Côte d’Ivoire accueille pour la 2ème fois de son Histoire la CAN, 40 ans après sa première édition sur place. La 34e édition se déroule du 13 janvier au 11 février, des dates aménagées pour le contexte africain mais qui coïncident avec la tenue des championnats européens, lesquels continuent sans les joueurs africains appelés en sélection. Évènement notable, le pays hôte au parcours miraculeux remporte un tournoi très disputé rendant l'événement encore plus marquant pour le peuple ivoirien. Après 1992 et 2015, les Eléphants renouent avec le succès et une victoire à la CAN a toujours des conséquences favorables dans le triptyque politique-économique-social du pays. Le football y a par exemple une importance politique, faut-il rappeler l’influence de Didier Drogba, légende du football ivoirien, qui a joué un rôle crucial dans le processus de stabilisation de la Côte d'Ivoire, particulièrement durant le conflit ethnique et culturel qui a débuté en 2002. La qualification de l'équipe nationale pour la Coupe du monde, qui a promu un message de paix, a été un facteur important dans la pacification du pays. A travers cette CAN en Côte d’Ivoire, c’est toute une compétition, son héritage et son évolution, qui doivent être scrutés, dans un football eurocentré.
Lors de la réunion de création de la Confédération Africaine de Football (CAF) en juin 1956, l'idée de créer une compétition opposant les nations africaines a été évoquée. À cette époque, le continent était souvent sous-représenté par la FIFA, et entre 1934 et 1970, aucune sélection africaine n'avait participé à la Coupe du Monde. En 1957, les pays africains, alors en pleine lutte pour leur indépendance face aux empires coloniaux, ont participé à la première édition de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) organisée par la CAF, qui se déroulait avec seulement 4 équipes. En somme, celles-ci se qualifiaient directement pour les demi-finales. Les 4 pays africains membres de la FIFA à l'époque étaient le Soudan, l'Éthiopie, l'Égypte et l'Afrique du Sud. Cependant, celle dernière a été disqualifiée en raison de sa politique d'apartheid : la Fédération sud-africaine ne souhaitait pas faire jouer une équipe multiraciale et insistait pour faire concourir soit une équipe composée de joueurs blancs, soit une équipe composée de joueurs noirs.
La première édition a été remportée par l'Égypte en 1957 (connue à l'époque sous le nom de République arabe unie) en ne remportant que 2 matchs. En 1996, une nouvelle étape est franchie, le tournoi passant de 8 à 16 équipes, élargissant considérablement la portée et la compétitivité du tournoi. Initialement disputée tous les 2 ans, la compétition est passée à une périodicité de 4 ans en 1968, avant de revenir à un cycle de 2 ans en 2013 en raison de conflits de calendrier avec la FIFA, par exemple au sujet de la Coupe du Monde, qui incluait de plus en plus de sélections africaines (1).
Le format du tournoi a évolué au fil du temps. Par exemple, les premières éditions se déroulaient en matchs à élimination directe, mais avec l'augmentation du nombre d'équipes participantes, des phases de groupes ont été introduites. Le format actuel comprend une phase de groupes suivie de phases à élimination directe. La CAN a créé beaucoup de polémiques autour des binationaux et de leur priorisation dans les sélections africaines. Pour y remédier, la CAF a décidé de créer en 2009 le Championnat d'Afrique des Nations (CHAN), réservé aux joueurs évoluant dans les championnats nationaux africains afin de mettre en valeur le football local. Contrairement à la CAN, seuls les joueurs évoluant dans leurs ligues nationales sont éligibles pour participer. Cette question des binationaux est d’ailleurs en Afrique un sujet majeur que cette étude veillera à traiter plus en détail par la suite. Du reste, la volonté de faire briller les championnats nationaux africains a poussé la CAF à créer la Ligue des Champions africaines en 1964, ainsi que la Coupe de la Confédération de la CAF en 2004: des compétitions interclubs reprenant le schéma de l'UEFA avec la Ligue des Champions et l'Europa League. Le vainqueur de ces compétitions se qualifie pour la Coupe du Monde des clubs de la FIFA en tant que représentant du continent africain à l’échelle internationale. Certaines sélections africaines ont même été intégrées à la compétition de football organisée par l'Union arabe de football (UAFA), la Coupe Arabe des Nations ; bien qu’elle ne soit pas reconnue par la FIFA. Elle réunit les équipes nationales masculines de football des pays arabes, comprenant donc l'Algérie, le Maroc, la Mauritanie, le Soudan, la Tunisie et l'Egypte. Ainsi, l’expansion et l’élargissement du football africain ces dernières années est une tendance globale dans le football actuel.
L’élargissement de la CAN à un format incluant 24 équipes, en 2017, remplit des objectifs économiques ou liés au développement du football dans des pays où ce n’est pas un sport majeur. L'objectif est d'offrir une plus grande exposition à la Coupe, notamment au niveau des droits de diffusion -les fameux “droits télé”- qui vont nécessairement augmenter avec la hausse du nombre d'équipes participantes et donc de matchs à diffuser. Les diffuseurs sont souvent prêts à payer des montants considérables pour obtenir les droits de diffusion des matchs des compétitions s’ils savent qu’elles génèrent de fortes audiences dues à une demande importante. Plus une compétition est attendue, plus les diffuseurs sont susceptibles de vouloir l’acheter, ce qui peut encore augmenter les audiences.
Mais les bénéfices soulevés par une plus grande visibilité de la CAN sont plus larges. Ils peuvent par exemple favoriser le développement d’un Etat participant, notamment au niveau des infrastructures sportives, si ce dernier bénéficie de subventions de la FIFA. Enfin, l’image d’un pays qui enverrait une équipe valeureuse sur le terrain améliorerait grandement la perception que les spectateurs étrangers ont de lui. Sur le plan sportif, le succès de la compétition offre davantage d'opportunités aux joueurs à travers le continent. On constate une professionnalisation croissante au fil des années : la CAN a reflété cette évolution avec un niveau de jeu considérablement amélioré ces dernières années. En retour, l'émergence de joueurs africains talentueux, évoluant dans les meilleurs clubs européens a contribué à faire de la CAN l'un des tournois les plus compétitifs sur la scène internationale. Cette augmentation des équipes participantes devrait, enfin, également augmenter les revenus de la CAF, comme l'a déclaré Amaju Pinnick, membre du Comité exécutif de la Confédération. La décision de la CAF d'élargir la CAN suit l'exemple de l'UEFA, qui a également élargi ses compétitions, notamment la Ligue des Champions UEFA, où le nombre de clubs participant à la phase de groupes va passer de 32 à 36, avec un format inédit. L'Euro passera également à 32 équipes à partir de 2028. Ces modifications visent à rendre les compétitions plus compétitives (2).
Toutefois, cette situation est aux dépens des footballeurs, qui se plaignent déjà du nombre de matchs trop important, de la multiplication des compétitions et des efforts demandés, déshumanisant les acteurs principaux, les joueurs, pour offrir toujours plus de spectacle. La CAN pourrait également envisager un élargissement de son format en passant de 24 à 32 équipes.
Né en Europe, le football européen a une bonne longueur d’avance sur ses équivalents des autres continents, en termes de niveau de jeu, de moyens, de renommée et d'audience. En Amérique du Nord, on appelle le football “soccer”, le terme football étant attribué au sport national, le football américain.
Les intérêts économiques et sportifs sont pourtant grandissants- en Asie aussi - on le voit notamment lors des tournées estivales de pré saison où les joueurs en profitent pour participer à des émissions télé locales ou des publicités comme au Japon ou/et en Corée du Sud. L’Afrique doit s’afficher au même niveau pour ce qui est de la ferveur et de l’importance capitale du football dans la société. Le football se globalise de plus en plus. La CAN doit s'imposer dans un football eurocentré qui peut s'opposer à la compétition africaine, notamment sur la question des joueurs et de leur libération par les clubs européens pour jouer la CAN.
Celle-ci, se déroulant généralement en janvier, pose des défis importants aux clubs européens, notamment en Premier League, en pleine période du Boxing Day. Cette tradition oblige les clubs à jouer plusieurs matchs durant les fêtes de fin d'année, tandis que les autres championnats sont stoppés. La CAN conduit parfois certains clubs à se séparer de joueurs-clé pendant plusieurs semaines, affectant leurs performances. Par exemple, l'Olympique de Marseille a dû composer en l’absence de six titulaires lors de la CAN 2024, ce qui a ralenti la progression phocéenne dans les compétitions nationales et européennes. Les clubs craignent également que leurs joueurs partis à la Can ne reviennent blessés, les rendant indisponibles pour des semaines, voire des mois. Cela impacte non seulement les performances sportives des clubs mais aussi leurs finances.Les salaires et primes versés aux joueurs restent fixes malgré leur indisponibilité.
Par ailleurs, la CAN se déroule parfois juste avant d'autres compétitions importantes, telles que la Ligue des Champions de l'UEFA. Cette année, par exemple, la finale de la CAN s’est jouée le 11 février, alors que les huitièmes de finale de la Ligue des Champions débutaient le 13, rendant Sébastien Haller, joueur de la sélection ivoirienne indisponible pour son club Dortmund. Certains entraîneurs expriment leur frustration sur cette situation, comme Jürgen Klopp (Liverpool), qui a plaisanté sur l'élimination rapide de ses joueurs pour pouvoir les récupérer plus tôt: “si je disais que je lui souhaitais bonne chance, ce serait mentir. D'un point de vue personnel, je serais heureux qu'il soit éliminé dès la phase de groupes, mais c'est sûrement impossible, ils peuvent passer et gagner (la CAN)". L'entraîneur allemand avait repris plus sérieusement et souhaité bonne chance à ses joueurs sélectionnés. Des présidents de club comme Aurelio de Laurentiis pour le Napoli déclarent qu’il ne recruteront plus de joueurs africains sauf s’ils déclarent ne pas y participer (3). La CAN crée ainsi des défis significatifs pour les clubs européens, à la fois sur le plan sportif et financier. La gestion de ces défis nécessite une réévaluation de la planification des calendriers en donnant de l'importance à la compétition africaine souvent sous représentée, ainsi qu'une meilleure compréhension mutuelle entre les clubs européens et les fédérations nationales africaines.
Les clubs ne sont d’ailleurs pas les seuls à pouvoir refuser de libérer leurs joueurs ; ces derniers peuvent également choisir de ne pas honorer une sélection en anticipant le départ d’autres joueurs, et ainsi grappiller du temps de jeu ou seulement bien se faire voir par les décideurs d’un club. Par exemple, François Mughe, joueur de l'Olympique de Marseille, convoqué pour la CAN avec le Cameroun par Rigobert Song - le sélectionneur des Lions Indomptables - a refusé la sélection pour se concentrer sur ses performances en club. Cela avait déjà été le cas au Cameroun avec le cas d'André Onana, qui venait de signer à Manchester United et qui a refusé sa convocation au profit de son club. la stratégie de Mughe, perçue comme un traitement de faveur par ses coéquipiers, avait provoqué une scission au sein du vestiaire (4). Ces stratégies sont très mal perçues de manière générale, les joueurs étant parfois accusés de manque de patriotisme. On se rappelle d’Ez Abde, lors de la CAN précédente, qui avait choisi de rater l'aventure marocaine et une probable visibilité sur la scène internationale pour finalement ne bénéficier que d’un temps de jeu très limité. Par ailleurs, les clubs européens peuvent hésiter à libérer leurs joueurs pour la CAN, ce qui entraîne parfois des tensions entre les clubs et les fédérations nationales africaines.
La mobilisation d’entraîneurs européens pour coacher des sélections africaines est un autre phénomène ancien et récurrent. Cela pouvait s’apparenter à un certain paternalisme sportif puisque les entraîneurs qui ne trouvaient pas de banc avaient l’habitude de sonder les sélections africaines, en deuxième choix. On connaît par exemple l’influence des entraîneurs portugais en Egypte avec Carlos Queiroz et Rui Vitoria pendant la CAN même si cette collaboration a pris fin récemment avec la nomination d’un Egyptien, Hossam Hassan, au poste de sélectionneur. La principale critique adressée à certains coachs européens pointait sur le fait qu’ils ne connaissaient pas le pays, qu’ils n’étaient pas résidents et qu’ils ne s’intéressaient pas assez au championnat local. A l’heure actuelle, les fédérations africaines font désormais confiance à des entraîneurs nationaux et sont capables de faire éclore des managers de qualité. Les entraîneurs ayant une origine ou la nationalité du pays sont jugés comme plus ancrés au pays. Cela renvoie aussi à une surreprésentation des binationaux évoluant en Europe dans ce genre de sélection. Les succès récents en Afrique ont mis en lumière les liens directs entre un coach et une équipe nationale, progressant ensemble vers la victoire : Djamel Belmadi avec l’Algérie en 2019, Aliou Cissé en 2021 avec le Lions de la Teranga et Emerse Faé avec la Côte d’Ivoire.
La défaite de la Côte d’Ivoire, le pays hôte, face à la Guinée Equatoriale en phases de poules de la CAN 2024 a engendré de multiples conséquences ; entre autres l’humiliation vécue par les supporters et l’expression de leur colère, mais aussi et surtout la démission de Jean-Louis Gasset, l’entraîneur français en place au début du tournoi. Accepter de se séparer de son entraîneur en plein tournoi est toujours risqué, et la suite généralement résumée à une issue binaire : le miracle ou la catastrophe. Dans le cas ivoirien, la nomination d’Emerse Faé ancien joueur ivoirien , adjoint de Gasset au poste de sélectionneur n’intervient que dans un second temps. Auparavant, la fédération ivoirienne avait tenté de faire venir temporairement Hervé Renard, entraîneur français, qui avait également coaché le Maroc et qui connaissait bien les rouages africains. Le problème était que celui-ci était sous contrat avec la Fédération française de football en tant que sélectionneur des féminines. La situation était en effet assez inédite : jamais une équipe nationale n’avait prêté temporairement son sélectionneur le temps d’une compétition. Pendant un temps, le président de la Fédération ivoirienne de football avait envisagé de recourir à l’émission d’une demande diplomatique du président Alassane Ouattara à Emmanuel Macron, mais l’initiative avait vite été stoppée par le refus du Comex de la Fédération française de football.Cette situation unique en son genre est symbolique de la tendance à chercher rapidement une solution venant d’Europe et de son vivier de coachs, plutôt qu’à se tourner vers des sélections déjà présentes dans la région. La confiance placée en un coach connaissant bien l’équipe comme Emerse Faé a finalement porté ses fruits, et conduit à une victoire inespérée.
L’émigration en Afrique pose la question des joueurs binationaux, lorsque des joueurs issus de la diaspora et ayant la double nationalité, généralement d'un pays européen et africain, doivent choisir pour quelle équipe nationale jouer en raison de leurs origines ou de leur lieu de naissance. Ce choix peut entraîner des dilemmes personnels et des débats sur l'identité et l'appartenance. Cette situation est souvent le résultat de migrations, d'immigrations ou de mariages mixtes entre personnes de nationalités différentes. Les binationaux africains peuvent conserver des liens forts avec les deux pays dont ils possèdent la nationalité. Plusieurs règles sur les binationaux, établies par la FIFA, ont été instaurées à partir des années 60, notamment concernant le changement de sélections, qui était possible avant 1964. A l’heure actuelle, une fois qu'un joueur a représenté une équipe nationale dans un match international officiel, il ne peut plus changer d'équipe nationale. Il existe pourtant des conditions pour représenter une sélection : un joueur peut représenter une équipe nationale si lui-même, sa mère, son père ou l’un de ses grands-parents est né dans le pays concerné, ou s'il a vécu dans le pays pendant au moins cinq ans après l'âge de 18 ans. De manière globale, jusque dans les années 2010, les joueurs se tournaient majoritairement vers les sélections les plus influentes, souvent européennes (les pays d'immigration) car elles offraient de meilleures opportunités sportives, comme la possibilité de jouer dans des compétitions majeures comme la Coupe du Monde de la FIFA. Mais on constate qu'avec le développement du football africain, ces sélections deviennent de plus en plus importantes dans le football mondial (5). Lors de la Coupe du monde 2022, l'équipe du Maroc qui a atteint les demi-finales de la compétition comptait 16 binationaux parmi ses 26 sélectionnés. Cette diversité de talents et d'expériences enrichit les sélections africaines, leur permettant notamment d'atteindre des phases avancées dans les compétitions et de rivaliser avec les meilleures équipes mondiales .
En plus des questions identitaires, le dilemme de la sélection nationale est de plus en plus compliqué pour les joueurs ; en témoigne, par exemple, le cas de Brahim Diaz. Ce milieu de terrain du Real Madrid, âgé de 24 ans et né d’une mère espagnole et d’un père d’origine marocaine, a été approché par les sélectionneurs espagnols et marocains après ses dernières très bonnes performances en club. Le joueur avait finalement été sélectionné avec l'Espagne durant sa jeunesse, avec les Espoirs et l'équipe A. Cependant, une autre règle de la FIFA stipule que "Les joueurs qui ont représenté une équipe nationale dans les catégories de jeunes (par exemple, les moins de 20 ans) peuvent être éligibles pour représenter une autre équipe nationale à l'âge adulte”. Ce qui est le cas du joueur. Diaz a donc eu le choix de continuer de représenter l'Espagne ou de suivre la sélection africaine la plus influente, le Maroc, 13ème au classement FIFA; le joueur ayant plus tard opté pour ce second choix. Le choix de la sélection africaine n'est donc plus un choix par défaut après la non-sélection des pays européens. Cependant, le choix des joueurs binationaux n'est plus une priorité pour les équipes africaines. En effet, les joueurs binationaux avaient tendance à accepter l'offre de la sélection africaine que lorsque celle-ci n'avait pas de chance en sélection européenne. C'était donc un choix par dépit. Les sélections optent pour une nouvelle stratégie privilégiant les joueurs voulant jouer pour leur sélection chez les binationaux, montrant que l'Afrique n'est plus un choix secondaire et que le football africain peut concurrencer le football européen.
De manière générale, les sélections africaines deviennent de plus en plus attrayantes ; en témoignent les récentes déclarations de Tiémoué Bakayoko, ancien joueur de l'AC Milan, international français, qui a déclaré après le sacre de la Côte d'Ivoire à la CAN sa volonté de rejoindre les Éléphants. "Quand on a une double nationalité, vous ne vous rendez pas compte comment c’est hyper difficile de choisir. Entre le moment où Didier Deschamps m’a appelé et celui où j’ai dit oui, je n’ai pas mangé durant deux jours, j’avais la boule au ventre. D’une certaine manière, si je devais maintenant jouer pour la Côte d’Ivoire, j’aurais l’impression de me désavouer. Mais j’ai un peu évolué, je ne dis pas non, je ne dis pas oui..." (6)..Montrant son regret du choix de la France, sélection avec laquelle il ne compte qu'une seule sélection, cette perche tendue de Bakayoko à la sélection ivoirienne a été globalement ignorée par les champions d'Afrique, laissant entendre que les joueurs faisant passer l'Afrique en second plan n'étaient pas les bienvenus.
Conclusion
La CAN a évolué dans son fonctionnement mais aussi dans son aura. De plus en plus suivie, la compétition doit encore s’imposer pour régler les problèmes de calendrier qui créent des tensions dans les clubs. L’affaire Hervé Renard a prouvé l’importance politique du choix du sélectionneur national avec cette demande quasi-diplomatique de la Côte d’Ivoire envers la France pour le prêt du coach des féminines. D’autre part, elle a démontré le vieux réflexe des sélections africaines de privilégier des coachs européens même si cela tend à changer. Anciennement vue comme des issues de secours par rapport aux sélections européennes, les sélections africaines voient les joueurs binationaux choisir de jouer pour leurs équipes nationales qui commencent à obtenir des résultats et à mieux se structurer.
(1) Le360. (2024, janvier). ”L'histoire de la CAN de 1957 à 2021.”
(2) Rondet, H. (2022,mars). “EURO 2028 : L'UEFA voudrait un nouveau format à 32 équipes.” RMC Sport. Marchetti, H. (2024, mars).“Euro 2024 : et si la liste des Bleus était élargie à 26 ?” Le Parisien.
(3) Billebault, A. (2023,novembre). “La CAN, objet de tensions entre les clubs européens et lessélections africaines.” Le Monde.
(4) Ouest France. (2024, janvier). "François Mughe recale leCameroun pour l’OM, il ne disputera pas la compétition."
(5) Desorgues, P. (2024,janvier). ”Algérie, Maroc, Sénégal : ces favoris de la CAN 2023 qui attirentles binationaux.” TV5 Monde.
(6) Le Parisien. (2024, février). "Tiémoué Bakayoko n’écarte pasl’idée de jouer pour la Côte d’Ivoire."